Au Centre Universitaire Méditerranéen, le dernier samedi de janvier est un rendez-vous incontournable : la Dictada Occitana. Cet événement chaleureux invite les passionnés de la langue niçoise ainsi que les curieux désireux de s’initier à ce précieux héritage local.
Depuis 23 ans, cette dictée festive incarne la détermination à sauvegarder un patrimoine linguistique en danger. Face aux défis posés par l’uniformisation linguistique et la perte de transmission, des passionnés s’organisent pour donner un second souffle à ce patrimoine unique. La Dictada, à la fois festive et pédagogique, est devenue le rendez-vous où traditions, histoire et avenir se croisent dans une ambiance conviviale.
Des racines profondément ancrées
Le nissart ne date pas d’hier. Selon Tom Obry, spécialiste de l’histoire niçoise, ses origines remontent au 14ᵉ siècle. « En 1388, Nice quitte la Provence pour rejoindre le Comté de Savoie. Cette séparation marque le début d’une autonomie linguistique. Isolée par les Alpes, la mer et le Var, la ville développe alors une autonomie linguistique », explique le Niçois. À partir du 15ᵉ siècle, le nissart devient un véritable outil d’expression culturelle. « Écrivains, poètes, chanteurs et dramaturges commencent à produire des œuvres en nissart, témoignant de la richesse littéraire de cette langue », poursuit Tom Obry.
Un patrimoine menacé
Pour Cristou Daurore, organisateur de la Dictada Occitana, la vitalité du nissart s’affaiblit, bien qu’il fasse partie de l’héritage culturel de Nice. « Beaucoup de familles ont arrêté de transmettre la langue à leurs enfants, et ça nous inquiète beaucoup », explique-t-il. Dans un environnement dominé par le français, les jeunes générations ont peu de contact avec le nissart. « Les événements publics comme la dictée attirent très peu d’enfants. Quand on n’entend plus la langue, elle finit par paraître inexistante, voire inutile », souligne-t-il.
Ce constat n’est pas nouveau. Les langues régionales en France subissent les conséquences d’une politique centralisatrice. D’après l’UNESCO en 2010, l’occitan, dont fait partie le nissart, est classé parmi les langues en danger. Serge Chiaramonti, président de la Fédération des associations du Comté de Nice rappelle que « du 19ème siècle au début 20ème siècle, l’Éducation nationale voulait une unité linguistique, donc que chacun parle le français ». Mais, selon lui, « on s’est rendu compte que cette uniformisation était une erreur, et il y a eu un regain de la langue. »
Une dictée pour rassembler
Pour contrer l’extinction du nissart, des initiatives locales émergent. Créée en 1996, la Fédération des associations du Comté de Nice, qui regroupe 70 associations culturelles, rassemble chaque année entre 170 et 200 participants lors de la Dictada Occitana.
« La dictée, c’est un prétexte pour rassembler », explique Serge Chiaramonti. « C’est une tradition qui nous permet de recréer du lien et de garder la flamme vivante. » L’exercice consiste à retranscrire un texte en nissart, mais au-delà de l’aspect scolaire, il s’agit surtout de partager un moment convivial, de découvrir et de renouer avec ses racines.
Des initiatives pour l’avenir
La mobilisation se poursuit, notamment pour sensibiliser les jeunes générations. Murielle Vitteti, membre de l’association Culture 06, agit au quotidien : « Moi, j’ajoute toujours une pincée de niçois dans la vie des personnes que je rencontre. C’est ma façon de maintenir cette culture. »
Son association organise des cours, des ateliers, mais aussi des événements comme le Championnat du monde de pan bagnat prévu le 17 mai 2025. L’occasion de célébrer les traditions locales car la gastronomie, comme la langue, fait partie intégrante de la culture régionale. « Savoir d’où l’on vient, c’est essentiel pour savoir où l’on va », insiste Serge Chiaramonti. « Le nissart n’est pas juste une langue. C’est une clé pour comprendre notre histoire et notre identité. »