Depuis plusieurs mois, Bruxelles accuse la Chine de subventionner des produits chinois pour qu’ils soient commercialisés en Europe. Une ingérence de l’État chinois dans le marché européen qui pourrait déséquilibrer le marché. Pourquoi cela pourrait-il être néfaste ? Éléments de réponse.
Dans l’histoire, la Chine a longtemps été isolée de tout échange économique avec l’Europe. Dans les années 70, elle est devenue un partenaire économique stratégique pour l’Union européenne. Mais depuis la crise économique de 2008, les relations marchandes entre la Chine et l’UE se sont crispées, surtout parce que la Chine a tiré des bénéfices de cette crise (hausse massive des exportations vers l’Europe). Alors, les récentes tensions viennent remettre de l’huile sur le feu.
Soupçons de subventions massives dans le transport
Depuis plusieurs mois, la Chine est déjà dans le viseur de la Commission européenne (CE) pour des subventions accordées à ses entreprises afin de les rendre particulièrement attractives en Europe. En septembre 2023, le pays a ainsi été soupçonné d’avoir accordé illégalement des « subventions publiques massives » (plus de 66 milliards d’euros, selon Les Échos) permettant de vendre ses véhicules électriques sur le marché européen, avec un prix « maintenu artificiellement bas », selon la présidente de la Commission européenne. En effet, l’entreprise BYD est la première exportatrice mondiale de véhicules électriques, mais pour un résultat net de 2,3 milliards d’euros, l’entreprise aurait été subventionnée par l’État chinois à hauteur de 2,1 milliards d’euros, selon France 24. Soit l’équivalent de la presque totalité du résultat de l’entreprise. En février dernier, c’est le marché du ferroviaire qui aurait « bénéficié d’une subvention étrangère faussant le marché intérieur », selon la Commission, via l’entreprise chinoise CRRC.
Panneaux solaires et éoliennes chinois, bien moins chers qu’en Europe
Depuis début avril, ce sont deux entreprises productrices de panneaux photovoltaïques (Longi et Shangai Electric) qui sont scrutées de près par la Commission européenne, soupçonnées d’avoir « bénéficié de subventions étrangères faussant les conditions du marché intérieur », selon la Commission citée par La Croix. D’après des chiffres de RFI, la Chine assure à ce jour « 77,8 % de la production mondiale de panneaux photovoltaïques ».
À toutes ces accusations viennent se rajouter les derniers soupçons en date. D’après la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, Bruxelles accuse la Chine de subventionner les éoliennes chinoises pour qu’elles soient commercialisées en Europe. Selon Wind Europe, cité par RFI, « les éoliennes chinoises sont vendues à des prix jusqu’à 50 % inférieurs à ceux des concurrents européens ». En clair : la Chine, par ses multiples subventions publiques accordées à des entreprises fournissant des produits sur le marché européen, est accusée de pratiquer de la concurrence déloyale.
Une réglementation pour limiter des subventions jugées abusives
Le risque, pour la Chine, c’est qu’elle soit exclue des appels d’offre de l’Union européenne alors que cette union serait, selon France 24, le partenaire économique le plus important de la Chine. Pour éviter cela, la Commission européenne somme la Chine de respecter la réglementation européenne. En 2020 a vu le jour un règlement visant à contrôler les investissements entrants dans l’UE, « parce qu’on s’inquiétait de certaines acquisitions faites par des entreprises et qui risquaient d’affaiblir tout le tissu industriel européen », estime Elvir Fabry, chercheuse en géopolitique du commerce à l’Institut Jacques Delors sur France 24. Puis de nouvelles règles ont été instaurées à la mi-2023, empêchant principalement les subventions émanant de pays tiers et qui pourraient créer une concurrence déloyale lors des appels d’offres.
C’est donc dans le cadre de cette nouvelle réglementation que des enquêtes sont menées par la Commission européenne pour déterminer les conditions de financement de chacun de ces cas. Selon Bruno Le Maire, il faudrait aussi s’intéresser à une éventuelle préférence européenne. « Il faut nous poser la question de savoir s’il ne faut pas réserver les marchés publics à des produits made in Europe ou d’avoir un contenu européen dans les appels d’offre […] ou d’imposer des normes de qualité ou des normes environnementales qui soient celles les plus strictes sur les produits dans les marchés publics », a-t-il annoncé le 8 avril dernier.
La Chine se dit « inquiète »
De son côté, la Chine s’est émue du non-respect des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) par l’UE, ainsi que de ses règles « anti-mondialisation ». Mao Ning, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, citée par Euractiv, a affirmé que « la Chine est très inquiète des mesures discriminatoires prises par les Européens contre des entreprises et même des industries chinoises ».