Extension de l’aéroport de Nice : ce qui met du plomb dans l’aile au projet

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Publié le 7 février 2025 à 23h27
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L’aéroport Nice-Côte d’Azur souhaite agrandir son terminal 2 pour accueillir les passagers dans de meilleures conditions. Mais plusieurs associations s’inquiètent des conséquences sur l’environnement, le bruit ou le surtourisme. Certaines ont lancé des actions en justice. Des turbulences dans le déroulé du projet.

L’histoire commence en février 2019. La Société des Aéroports de la Côte d’Azur (SACA) dépose une demande de permis de construire pour étendre son terminal 2. Objectif : construire six salles d’embarquement supplémentaires et une salle d’enregistrement et de livraison des bagages, sur une surface de 2500 m². La livraison est attendue entre 2025 et 2026 pour un coût estimé à 218 millions. Mais le projet est contesté devant la justice par l’association France Nature Environnement 06.

D’autres collectifs ont soutenu leur action, notamment le Collectif Citoyen 06. « Cette extension, c’est une course à l’abîme qu’il va falloir arrêter », s’alarme Airy Chrétien, cofondateur du collectif.

Une capacité d’accueil augmentée de 30 %

Ce qui cristallise les débats, c’est d’abord la potentielle hausse de passagers que ce projet pourrait générer. « On aura 28 000 vols de plus par an à l’horizon 2034. Déjà en 2024, c’est 14,8 millions de passagers par an. L’aéroport, c’est le premier à courir après le trafic », alerte Airy Chrétien. De son côté, le collectif d’opposition ViVA dénonce une « fuite en avant dans le surtourisme [qui] conduit à la spéculation immobilière et l’aggravation de la crise du logement dans de nombreuses villes du département ».

Nous n’avons pas en tête d’augmenter les capacités aéronautiques

Aymeric Staub, porte-parole de la SACA

Mais la SACA se défend : l’objectif n’est pas d’attirer plus de voyageurs mais d’accueillir les passagers actuels dans de meilleures conditions. « Nos terminaux représentent une capacité théorique d’accueil de 14 millions de passagers par an. Or, en 2019, nous avions déjà dépassé cette capacité, avec 14,5 millions de passagers. Les usagers ont connu une dégradation de la qualité de service, surtout en juillet-août », rappelle Aymeric Staub, porte-parole de la SACA. Par les travaux entamés, l’aéroport a donc prévu de porter sa capacité d’accueil à 18 millions de passagers par an. « Nous n’avons pas en tête d’augmenter les capacités aéronautiques. Nous ne rajoutons pas de piste ni de parkings, donc nous ne touchons pas à ce qui pourrait générer davantage de mouvements d’avions », insiste Aymeric Staub.

Le Collectif Citoyen en est pourtant persuadé : les mouvements d’avion vont bien augmenter. « Ce qu’on entend de la part de l’aéroport, on y est habitué depuis cinq ans, c’est ce que j’appelle des mensonges », tacle Airy Chrétien. Selon l’étude d’impact, ce sont plus de 21 millions de voyageurs potentiels d’ici à 2034. « C’est 43 % de passagers en plus, donc 27 % de vols en plus », avance le co-fondateur du Collectif citoyen 06.

Un impact sur les nuisances sonores

Se basant sur l’augmentation du nombre de vols, les collectifs ont également des revendications en matière d’impact sonore. Ils s’appuient sur une étude d’impact, commandée à un cabinet d’experts indépendant par l’aéroport sur ordre de la justice. Elle estime 28 000 vols de plus par an en 2034. « L’étude révèle une augmentation des nuisances sonores liées à un accroissement des vols. Le bruit des avions est déjà insupportable pour les personnes vivant à proximité de l’aéroport », s’inquiète ViVA.

Sur ce point, l’aéroport se défend. « Les trajectoires sont majoritairement conçues pour être au-dessus de la mer. Lorsqu’ils doivent franchir le trait de côte pour aller vers le nord, les avions le font à une altitude minimale, ce qui participe à la réduction des nuisances sonores », détaille le porte-parole de l’aéroport. Les trajectoires aéronautiques imposent en effet un vol à environ 3 000 mètres d’altitude lorsque l’avion se trouve au-dessus des terres. Chaque avion fait donc une grande embardée au-dessus de la mer avant d’atterrir ou après avoir décollé.

« 150 tonnes de polluants supplémentaires par an »

Qui dit avion dit questionnements sur l’impact environnemental. 150 tonnes de polluants supplémentaires par an, selon Airy Chrétien. « L’accroissement du trafic aérien aggravera les pollutions atmosphériques et olfactives qui pénalisent déjà fortement les populations riveraines de l’aéroport », complète ViVA.

L’accroissement du trafic aérien aggravera les pollutions atmosphériques et olfactives

Airy Chrétien, co-fondateur du Collectif citoyen 06

L’étude d’impact précise pourtant que les émissions de gaz à effet de serre diminueront de 11,3 % d’ici 2034, grâce notamment aux progrès technologiques dans l’aviation. « On se retrouve dans une situation où l’on pourrait avoir un territoire mieux desservi, mais des émissions de gaz à effet de serre maîtrisées », se réjouit Aymeric Staub.

Sur les particules fines en revanche, le rapport est un peu moins clément : + 20 % d’émission d’oxydes d’azote (qui peut causer des maladies respiratoires) et + 0,06 microgramme de dioxyde de soufre, soient 0,36 microgramme par mètre-cube dans l’air. « C’est l’un des seuls polluants qui augmente mais son augmentation est minime », tient à rassurer le porte-parole de la SACA. Le rapport précise d’ailleurs que les risques sanitaires ne sont pas assez significatifs. Rappelons que le seuil de concentration de dioxyde de soufre dans l’air fixé par l’OMS est de 40 microgrammes, soient 100 fois le seuil de concentration estimé. Par contre, en 2024, la concentration d’oxyde d’azote maximale dépasse deux fois et demi les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, mais en dessous des niveaux de référence français et européens.

Un aéroport en zone inondable

Dans un porter à connaissance, le préfet des Alpes-Maritimes alerte enfin sur les risques qu’encoure l’aéroport en cas de crue du Var similaire à ce qui a été observé lors de la tempête Alex en octobre 2020. « Depuis cette annonce, le projet d’extension est passé de 25 000 m² à  23 000 m² pour limiter la présence sur la zone inondable. Mais c’est du pareil au même », se moque le co-fondateur du Collectif Citoyen 06.

Porter à connaissance édité par la préfecture des Alpes-Maritimes en cas de crue du Var

Pour l’aéroport, cela n’est pas problématique car des digues sont construites ou en cours de construction. « Les zones à risque d’inondations est un sujet que nous suivons de longue date. Nos digues protègent la structure de la plateforme et ont une hauteur largement suffisante pour faire face à une montée du niveau de la mer au cours du siècle à venir. Concernant la plaine du Var, les travaux de rehaussement des digues est en cours », argumente Aymeric Staub.

Les différentes procédures judiciaires n’étant pas suspensives, les travaux d’extension ont déjà bien avancé pour que l’extension du terminal puisse être opérationnelle d’ici environ un an.

Les différentes actions en justice

Sur le plan judiciaire, l’affaire a été portée devant le tribunal administratif qui a validé le projet. L’association France Nature Environnement 06 a fait appel, ce qui a conduit la cour administrative d’appel à demander une enquête publique complémentaire et une étude d’impact prenant en compte l’augmentation potentielle du trafic aérien, sans toutefois annuler le projet. Depuis février 2024, une étude en cassation par le Conseil d’État est toujours en cours. Le Collectif Citoyen 06 n’est pas très optimiste quant à l’issue. Il a organisé ce samedi 8 février un rassemblement contre ce projet.