Place Garibaldi à Nice : maraudes supprimées, solidarité sacrifiée ?

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Publié le 9 février 2025 à 12h52
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Le 31 janvier, la ville de Nice a annoncé la suspension des maraudes sur la place Garibaldi. Alors que cette mesure est entrée en vigueur immédiatement, celle-ci suscite colère et incompréhension.

Garibaldi est devenu le théâtre houleux où s’affrontent solidarité et pression sociale. Commerçants, associations, riverains et municipalité se disputent sur la présence des sans-abri et les maraudes, chacun ayant sa vision du quartier. Entre l’urgence de préserver l’image de la ville et réalité de la pauvreté qui la ronge, le conflit devient de plus en plus tendu. Dans un contexte où de plus en plus de personnes se trouvent dans le besoin, ces tensions illustrent la difficulté de notre société à résoudre la précarité et à créer des espaces de vivre-ensemble respectueux des droits et des besoins de chacun.

Humanité et économie, le défi des commerçants

Les commerçants de cette place vivent un paradoxe quotidien. D’un côté, la présence visible de personnes sans abri devant leurs établissements affecte l’image de leur commerce et la fréquentation de leur clientèle. « Je suis dérangé, car il y a forcément un impact. Ce n’est jamais agréable d’avoir des squatteurs devant son commerce. Mais je comprends qu’ils n’ont pas vraiment le choix. Il n’y a pas d’endroits adéquats pour eux, alors ils se débrouillent comme ils peuvent », confie Lasoupira, gérant de Gelati Amore.

Ce sont des humains. On ne peut pas les bannir sous prétexte qu’on a un établissement.

Un chef de rang chez Giuseppe & Pepino

Mais cette gêne est souvent tempérée par une forme d’empathie sincère, soulignant la complexité de la situation. Si certains estiment que la présence des SDF nuit à leur activité, d’autres insistent sur l’importance de maintenir une approche humaine et bienveillante. « Qu’est-ce qu’on peut y faire ? On ne peut pas leur interdire la rue. Ce sont des humains, on ne peut pas les bannir sous prétexte qu’on a un établissement. Soit on joue le jeu et on est compréhensif, soit on s’enferme dans une logique d’exclusion qui n’est pas la solution », affirme un chef de rang de chez Giuseppe & Pepino.

Entre accompagnement et déplacement du problème

Face au mécontentement de certains riverains et commerçants, la ville de Nice a pris une décision : l’arrêt des distributions alimentaires. Selon Anthony Borré, premier adjoint au maire, cette mesure vise à réduire les nuisances perçues. « Ces derniers mois, habitants et professionnels ont lancé des pétitions pour dénoncer une dégradation du site, avec des personnes errantes, dans une situation de précarité extrême, souvent ivres, commettant parfois des vols ou des intimidations envers des touristes comme des locaux », explique l’élu.

Raisons pour lesquelles la ville de Nice a entamé un dialogue avec l’association responsable des maraudes sur cette place. « Celles-ci n’ont d’ailleurs jamais été autorisées et ne font pas l’objet d’une réglementation. Donc on leur a demandé de se déplacer un peu plus loin. Je crois que c’est important d’avoir ce dialogue franc avec les associations que nous accompagnons », ajoute Anthony Borré.

Il est important de respecter des règles : la propreté de l’espace public.

Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice

Alors que la gauche locale dénonce une politique « anti-maraude », Anthony Borré justifie cette décision en invoquant la nécessité de trouver le juste milieu. « Nous avons des lieux d’accueil à Nice qui montrent notre volonté d’accompagner les plus fragiles. Mais il est important de respecter des règles : la propreté de l’espace public, éviter la fixation de populations dans un quartier précis qui, ensuite, dorment dans des arcades, urinent et créent des désordres et des incivilités nombreuses », rappelle le premier adjoint.

Face à cette situation, la municipalité essaie de concilier ces différentes attentes, mais les solutions semblent souvent insuffisantes ou mal perçues. Car une autre réalité émerge : on ne supprime pas la pauvreté en déplaçant les maraudes, on la rend simplement moins visible.

Un cri d’alarme étouffé

Les associations d’aide aux plus démunis, comme Les Anges Gardiens, ne cachent pas leur indignation face à cette mesure. « Arrêter les maraudes, oui, mais il faut nous mettre des locaux à disposition. Sans espace décent, on ne peut pas fournir autant de repas. Il y a de plus en plus de personnes dans le besoin, mais la mairie ne nous donne pas de locaux, ce qui crée des tensions avec le voisinage », regrette Jean Girard, un des bénévoles.

Il dénonce des conditions de travail précaires pour les intervenants. « Certains viennent de 30 ou 40 km pour aider. On n’a plus 20 ans, ce ne sont pas de bonnes conditions pour nous ni pour ceux dans le besoin. Ce sont des humains, il faut qu’on les reçoive d’une façon digne », demande le bénévole engagé. L’association, privée de son ancien local rue Foderé suite à des pétitions de riverains, se sent abandonnée par les pouvoirs publics. Reste à voir si la municipalité répondra à cet appel.