Depuis décembre 2024, les TER circulent plus massivement, notamment sur la ligne Cannes-Menton, avec un TER tous les quarts d’heure dans la majorité des gares. Une nouveauté rendue possible grâce à l’ouverture à la concurrence. Une perte de parts de marché pour la SNCF mais qui permet, selon la vice-présidente de la Région Sud Véronique Borré, d’offrir un meilleur confort aux usagers des TER.
En quoi consiste la mise en concurrence dans la région Sud ?
Véronique Borré : En 2016, lorsque notre majorité a été portée à la direction de la région, on a été confrontés à une situation assez alarmante sur la situation des TER : nous avions 20 % de trains qui étaient en retard, 10 % qui étaient annulés, un taux de fraude qui avoisinait les 20 % et un peu plus de 15 000 incidents graves sur les lignes chaque année. Donc le maire de Nice, Christian Estrosi, puis Renaud Muselier, le président de la Région Sud, se sont saisis de la situation et ont utilisé l’opportunité qui venait d’être ouverte par la loi de pouvoir faire l’ouverture à la concurrence (une loi européenne, dite du « quatrième paquet ferroviaire », adoptée en décembre 2016, vise en effet à ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence sur les lignes nationales à partir de 2021 et sur les lignes régionales à partir de 2023, NDLR).
La Région Sud, pionnière en matière de mise en concurrence ferroviaire
Dès 2018, nous nous sommes engagés dans ce processus qui nous permet d’être la première région à avoir permis l’ouverture à la concurrence et donc d’avoir octroyé, sur cette portion entre Cannes et Menton, le marché à SNCF Voyageurs Sud Azur (depuis le 15 décembre 2024, plusieurs lignes des Alpes-Maritimes sont en effet exploités par cette filiale de la SNCF, suite à un appel d’offre lancé en 2020. Le contrat est engagé pour dix ans, NDLR). Cela nous permet d’avoir une meilleure rotation des TER et une offre plus en adéquation avec ce que nous nous souhaitons pour nos passagers.
Sud Azur n’est pas une société indépendante mais une filiale de la SNCF. C’est quand même de la mise en concurrence ?
Oui, parce que ça n’est pas la SNCF, c’est une société privée. Donc toute la différence, elle est là : nous pouvons imposer un certain nombre de priorisations et de résultats à cette société. Nous leur imposons notamment un taux régularité de 98 %, qui est plus élevé qu’aujourd’hui ce que nous pouvons faire auprès de la SNCF. Aujourd’hui, Sud Azur affiche un taux de régularité de 96,8%. Ce n’est pas encore au terme du contrat, ils sont encore en phase de rodage, mais la Région sera très ferme sur le fait qu’ils puissent respecter le taux de régularité. C’est tout l’objectif de la mise en concurrence : vous négociez le contrat. Donc vous pouvez poser dans le cahier des charges un certain nombre de contraintes et les opérateurs y répondent s’ils sont en capacité d’y mettre les moyens.
Concrètement pour l’usager, qu’est-ce que ça change ?
Ce sont des mesures très concrètes : un train tous les quarts d’heure entre Cannes et Menton (de 5h45 à 22h00, puis toutes les 30 min jusqu’à 23h30 la semaine, NDLR), donc le nombre de TER est quasiment doublé, et puis les conditions de voyage sont améliorées avec des rames qui sont plus longues et du nouveau matériel plus approprié, ainsi que des travaux qui ont permis d’étendre un certain nombre de quais. Et je crois qu’aujourd’hui, nous sommes à 1,15 % d’annulation de trains, ce qui est un vrai progrès quand on sait d’où on part.
Disons-le tout de même, certaines gares ne sont pas desservies toutes les 15 minutes ?
Oui, malheureusement, c’était dans le plan de la planification des transports, arrêté avant la mise en concurrence. Parce qu’à chaque fois que vous vous arrêtez en station, vous perdez davantage de temps et comme je vous l’ai indiqué, nous sommes sur une ligne très contrainte. Donc quatre gares sur la totalité ne sont desservies qu’avec un train par demi-heure, avec la possibilité de pouvoir prendre un train sur la station juste avant (cette exception concerne les gares de Cros-de-Cagnes, Biot, Villeneuve-Loubet et Golf-Juan-Vallauris, NDLR).
Pour augmenter le trafic, vous avez dû augmenter le nombre de rames, le nombre d’agents de la SNCF aussi ?
Nous avons imposé d’avoir du matériel plus capacitaire qui permette de transporter davantage de personnes. Nous sommes passés de 6 à 9 trains doubles, ce qui permet d’augmenter la capacité de 50 %. Et puis quand vous doublez le nombre de trains en passant d’une demi-heure à un quart d’heure, vous augmentez aussi mécaniquement le nombre de personnes transportées. Nous avons aussi créé deux nouveaux centres de maintenance sur Nice (notamment le centre de maintenance de Nice Saint-Roch, qui permet d’assurer directement la maintenance des rames TER à Nice, NDLR). Avant, quand un train tombait en panne à Nice, ou simplement qu’un essuie-glace était cassé, il fallait ramener le train jusqu’à Marseille pour pouvoir le réparer. C’était un train retiré de la circulation et autant de difficultés pour nos passagers. Aujourd’hui nos deux centres de maintenance permettent de traiter en local et donc de remettre en circulation plus rapidement le matériel roulant.
Avec cette mise en concurrence, la SNCF perd du terrain. Est-ce que ce n’est pas un risque ou une source d’inquiétude pour les salariés ?
Bien évidemment, tout changement suscite toujours des interrogations, des doutes et des crispations. Mais la réalité, c’est qu’aucun poste n’a été supprimé, que tous les cheminots qui font, pour l’essentiel, un travail remarquable sur nos lignes sont maintenus. Encore une fois, c’est une offre complémentaire qui permet d’apporter un meilleur service à l’usager et c’est quand même pour nous aussi un élément essentiel.
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