C’est un défi pour Nice. Touchée à deux reprises par des attentats, la ville a augmenté son niveau de sécurité autour du Carnaval. D’importantes palissades opaques sont installées autour du cortège chaque année, rendant le défilé accessible uniquement à ceux qui payent. Certains critiquent ce dispositif.
Un carnaval trop élitiste. Chaque année, c’est la même rengaine. Mis à part l’effervescence, le carnaval de Nice, le plus grand de France et l’un des plus célèbres du monde, est sous le feu des critiques. L’installation de hautes palissades opaques le long du parcours des chars rend l’évènement peu accessible. Seul le public payant l’entrée du carnaval (entre 7 € pour être debout dans le promenoir et 28 € pour être installé dans la meilleure zone de la tribune) peut donc profiter du spectacle. Pour l’opposition, c’est donc une exclusion des Niçois sans moyens.
« L’idée du carnaval payant me déplait sur le principe car c’est normalement une fête populaire », regrette Jean-Christophe Picard, élu d’opposition écologiste à Nice. Même son de cloche pour le collectif citoyen ViVA, présidé par David Nakache. « Nous sommes passés d’un carnaval festif et populaire à un évènement élitiste, avec une sélection par l’argent qui n’est pas admissible », estime-t-il. Ceci étant dit, comment sécuriser l’évènement ?
Des palissades de sécurité depuis plus de trente ans
Selon Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice en charge de la sécurité, et cité par Nice-Matin, les palissades sont installées depuis une trentaine d’années. Mais à l’époque, elles étaient plus basses. Le défilé du carnaval se déroulait alors sous les yeux des Niçois et des touristes, même simples curieux, qui n’avaient pas besoin de payer pour se masser derrière les barrières et voir les couleurs des chars.
Déjà en 2014, le carnaval avait été menacé par un projet d’attentat déjoué : un Franco-Algérien avait planifié une attaque à la bombe et avait été arrêté de justesse quelques jours avant de passer à l’acte. Mais c’est en 2017 que tout change. L’attentat de 2016 à Nice impose au préfet des Alpes-Maritimes de prendre une décision : il demande à la Ville de rehausser les palissades à environ 2,5 mètres. Bornant tout le parcours du défilé entre la Promenade des Anglais et la place Masséna, elles obligent les plus curieux à observer le cortège dans les interstices formés entre les plaques opaques.
L’opposition propose des alternatives
« Avec ces plaques, on coupe la ville en deux. Pourquoi ne pas mettre des plaques transparentes ? », propose David Nakache avant de poursuivre. « Pour les feux d’artifice à Nice, il n’y a pas de grosses palissades. Sur les lieux mêmes de l’attentat, il n’y en a pas besoin. Alors pourquoi en met-on au carnaval ? », s’interroge le citoyen engagé. Pour Graig Monetti, adjoint au maire de Nice délégué à l’évènementiel, cette prise de position n’a aucun sens. « Si on prenait en compte toutes ces demandes, le carnaval serait annulé parce qu’il ne remplirait aucune des recommandations sécuritaires formulées par le ministère de l’Intérieur », explique l’élu. Le ministère a en effet donné son feu vert pour la tenue de l’évènement avec les moyens de sécurité proposés.
Un bon carnaval, c’est un carnaval avec des palissades opaques.
Graig Monetti, adjoint au maire de Nice en charge de l’évènementiel
De son côté, Jean-Christophe Picard est plus nuancé, et milite uniquement pour un promenoir gratuit. « Je pense qu’il faut conserver les palissades, car elles peuvent avoir un intérêt en terme de sécurité », considère l’élu.
« Un bon carnaval, c’est un carnaval serein avec des palissades opaques. La palissade transparente invite au regard, ce qui invite à l’attroupement. Et si demain, vous êtes amenés à devoir évacuer le site avec 25 000 personnes en quelques minutes, c’est problématique », poursuit Graig Monetti pour justifier les choix municipaux.
Se déguiser pour entrer gratuitement
La ville de Nice a tenté de proposer des alternatives pour rendre l’évènement plus populaire. Elle offre la possibilité aux personnes déguisées de la tête aux pieds d’accéder gratuitement au promenoir. Mais seulement dans la limite de quelques places. « On ne sait pas combien de places gratuites sont mises à disposition mais il y en a très peu », regrette David Nakache. Depuis plusieurs semaines, la Ville dit aussi réfléchir à instaurer une parade accessible librement et gratuitement le long de l’avenue Jean-Médecin. Mais la préfecture du département doit encore accepter, en fonction des moyens de sécurité dont elle dispose. « On renouerait avec une tradition qui se faisait il y a 20 ou 30 ans. Ce serait un grand moment festif et populaire de lancement de notre carnaval », se réjouit d’avance Christian Estrosi.
Une pétition soutenue par plus de 1 400 signataires
Qu’importe. ViVA ! a choisi de lancer le 20 janvier une pétition « pour un carnaval niçois ouvert et sans palissades ». Elle a déjà récolté plus de 1 400 signatures. « Cette pétition, c’est la traduction du mécontentement des Niçois qui se souviennent qu’avant, le carnaval, c’était la fête et le mouvement. C’est important que les habitants aient leur mot à dire », justifie le président du collectif. Mais pour Graig Monetti, cette pétition est « totalement démagogique et irresponsable. Organiser le carnaval, ce n’est pas faire du populisme. C’est un métier », casse l’élu.