Fin de vie : le projet de loi est étudié à l’Assemblée nationale

Publié le
- Modifié le
Env. 4 min de lecture

L’examen du projet de loi sur la fin de vie est en cours depuis ce lundi 13 mai à l’Assemblée nationale. La commission spéciale dispose de cette semaine pour étudier les 1 900 amendements déposés à l’hémicycle. Les députés devront trancher sur de nombreux débats sémantiques et de protocole, notamment concernant le suicide assisté.

La loi sur la fin de vie est l’un des grands chantiers sociétaux de ce quinquennat d’Emmanuel Macron. Il l’a présenté en Conseil des ministres le 10 avril 2024. La proposition de texte est composée de trois axes : l’un sur le renforcement des soins palliatifs, l’autre sur les droits du patient et le dernier sur l’aide active à mourir

Les grandes lignes du projet de loi sur la fin de vie

Le 10 mars 2024, Emmanuel Macron dévoilait à la presse les contours de ce projet sociétal : les Français et les étrangers vivant en France pourront solliciter une aide à mourir sous certaines conditions. Au préalable, il faudra être majeur et doué de discernement. Le demandeur devra être atteint d’une maladie incurable, son pronostic vital devra être engagé à court ou à moyen terme et il devra être sujet à des souffrances qui ne trouvent pas de soulagement. La demande du patient devra être appuyée d’un avis collégial médical. C’est la condition pour que lui soit délivré un produit létal. Si le malade est incapable de s’administrer le produit, il pourra bénéficier de l’aide d’un membre du corps médical ou de sa famille, qu’il aurait lui-même choisi.

Le président de la République promet aussi d’améliorer les soins palliatifs en élargissant l’offre en unités à travers le pays et en gonflant l’enveloppe allouée.

« Euthanasie » ou « suicide », l’ambiguïté de la « fin de vie » 

Une vingtaine d’associations et de syndicats de soignants sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils appellent une « confusion lexicale regrettable ». Dans un communiqué publié sur le site de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, ils ont déclaré que « le président retient le terme d’ ‘aide à mourir’, en n’assumant pas que les options retenues relèvent de l’euthanasie et du suicide assisté ». Un avis que partage l’Église. « Un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie », a estimé le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort.

Au-delà d’une question de sémantique, le choix de ces mots soulève une ambiguïté sur le plan juridique lorsqu’il s’agit des droits des patients en fin de vie. Il est complexe pour le juge pénal de trancher entre l’intention de donner la mort et l’objectif d’aider une personne à mourir. Empoisonnement ou meurtre, euthanasie, suicide, fin de vie… Employer les expressions adéquates et exactes permettrait un meilleur encadrement de la jurisprudence et éviterait la multiplication des dispositions législatives qui pourraient contribuer à diluer le problème.

L’autre point de blocage est la définition du « court terme » et du « moyen terme ». Qu’est-ce qui, juridiquement, pourrait permettre d’indiquer qu’un pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme ? En outre, cela exclurait ces malades dont les stades d’évolution des pathologies sont lents, mais fatals. Les contours du futur dispositif ne sont pas clairement expliqués.

La loi, la science ou le patient : à qui devrait revenir le dernier mot ?

Le projet de loi sur la fin de vie dispose que seuls les médecins accordent l’ultime avis sur l’aide à mourir d’un malade. Ainsi, même si une situation répond aux critères énoncés par Emmanuel Macron pour l’aide à mourir, la décision finale reviendrait à la science. Le consentement éclairé du corps médical prendrait donc le dessus sur la liberté de mourir du patient. Depuis les premières modifications observées en 1999, la loi n’accorde pas le droit aux Français de choisir de mourir. Ce qui conduit certains à avoir recours à l’euthanasie dans l’illégalité.

La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) y voit un « manque de considération pour les personnes vulnérables et âgées car l’impact de la mort provoquée sur les proches et sur la société n’est pas non plus évoqué, tout comme le sentiment de culpabilité d’un proche ou d’un soignant qui aurait provoqué cette mort ». Les mots sont de Claire Fourcade. La présidente de la SFAP ajoute que « ceux qui devront appliquer cette loi n’ont jamais été associés à sa rédaction ».

Autre questionnement : quel pourrait-être le recours si les médecins ne jugeaient pas valide la demande du patient de mettre fin à ses jours ? Et quelles voies s’offriraient au juge ? Aucune réponse pour le moment. Que faire si le malade dont le pronostic vital est engagé n’est plus capable de manifester sa volonté de mettre un terme à sa vie ? Des députés de gauche et pro Emmanuel Macron proposent que cette situation soit formalisée dans des directives anticipées.

L’urgence : renforcer les soins palliatifs pour aider à mourir dans la dignité

Certains membres du corps médical réfractaires au projet de texte sur la fin de vie estiment que cette loi se résumerait à « supprimer les malades pour supprimer le problème« . Tout comme certains politiciens, ils souhaitent que les soins palliatifs soient privilégiés et priorisés. En effet, depuis 2016, le problème de la mise en œuvre de la loi sur les soins palliatifs demeure. En effet, cette dernière n’est pas encore appliquée partout en France et 21 départements en sont toujours privés. Pour résoudre cette équation, Emmanuel Macron propose d’investir 1,1 milliard d’euros de plus que les 1,6 milliard qui y sont déjà alloués. Selon l’INSEE, 500 personnes continuent de mourir chaque jour en France sans avoir accès aux soins palliatifs. L’urgence semble être plutôt de résorber les inégalités et rétablir la dignité à tous avant la mort. 

Alors que le montant annoncé par Emmanuel Macron pour appuyer les centres de soins palliatifs sur une période de 10 ans couvre à peine l’inflation et la hausse du nombre de personnes du troisième âge, faut-il espérer le succès d’une telle initiative ? Les débats sont ouverts à l’Assemblée.