Depuis la mi-mai, la Nouvelle-Calédonie connait de nombreuses tensions. De violents affrontements ont conduit à la mort de plusieurs gendarmes et à des centaines de blessés. Mais pourquoi tant de violence au sein de cet archipel ? Hexact remonte le fil pour expliquer la situation.
Le 13 mai dernier, des émeutes ont éclaté en Nouvelle-Calédonie. Cette date n’est pas le fruit du hasard : le même jour, l’Assemblée nationale devait statuer sur une potentielle révision constitutionnelle qui prévoit une réforme du corps électoral de l’archipel. Dans un territoire où les conflits entre population sont nombreux et où le débat de l’indépendance n’est jamais loin, ce passage au Parlement a remis le feu aux poudres.
Nouvelle-Calédonie, un territoire français
La Nouvelle-Calédonie est un ensemble d’îles, situé à l’ouest de l’Australie. En termes de taille, la surface de la France est 30 fois supérieure à celle de l’archipel néocalédonien.
La Nouvelle-Calédonie est principalement habitée par les Kanaks, peuple autochtone présent à l’origine sur le continent (environ 40 % de la population) et des Européens, débarqués sur l’archipel au 19ᵉ siècle (environ 30 % de la population). À l’époque, la France avait besoin d’un endroit où établir un grand centre pénitentiaire. Alors en 1853, la Nouvelle-Calédonie est déclarée française. Au total, 30 000 bagnards et déportés politiques seront transférés sur le territoire. Au départ considérés comme des indigènes, les habitants de Nouvelle-Calédonie ont progressivement été appréciés comme des citoyens français.
Tensions historiques sous fond de volonté d’indépendance
Mais voilà : cette reconnaissance française ne fait pas l’unanimité sur le territoire néocalédonien. Depuis de nombreuses années, deux idéologies s’affrontent : les loyalistes qui souhaitent conserver leur lien avec la France, et les indépendantistes qui aimeraient que la Nouvelle-Calédonie soit totalement indépendante.
Déjà en 1917, une première révolte kanake contre l’administration française avait fait 200 morts. En 1984, c’est l’insurrection : les indépendantistes et les non-indépendantistes s’opposent et de violents affrontements éclatent, accompagnés de pillage, d’incendies et de meurtres. En 1988, une trentaine de gendarmes sont pris en otage à la gendarmerie de Fayaoué pour protester contre la France.
Dans l’histoire, plusieurs référendums ont déjà été menés auprès de la population. Le premier en 1987, lors duquel 98 % des électeurs néocalédoniens se sont prononcés en faveur d’un maintien en République française. Plusieurs mesures ont toutefois permis une autonomisation progressive de l’archipel.
Un statut particulier
Parmi elles, les accords de Nouméa, signés en 1998. Ils permettent la création de nouvelles institutions propres à la Nouvelle-Calédonie et notamment le transfert de compétences. Ils prévoyaient aussi un nouveau référendum en 2018 concernant l’indépendance de l’archipel et précisaient que deux autres référendums pourraient être organisés si la réponse n’est pas en faveur de l’indépendance.
Grâce à ces accords, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d’un régime particulier. Officiellement français, l’archipel est toutefois assez autonome en matière de législation, sous le régime du partage de souveraineté. Il dispose ainsi de son propre Congrès, de son propre gouvernement et de son propre Sénat. Cependant, l’État français reste compétent pour certains domaines : la monnaie et le Trésor, la sécurité et la défense nationale, l’enseignement supérieur et la recherche ou encore le contrôle de l’immigration.
20 % des Néocalédoniens ne peuvent pas voter
Au total, trois référendums ont été soumis aux électeurs néocalédoniens en 2018, 2020 et 2021, concernant l’indépendance de l’archipel. Les trois ont conclu à une volonté de conserver les liens établis avec la France (respectivement à 56,4 %, 53,26 % et 96 % des voix). Mais ce qui a attisé les tensions, c’est la récente remise en cause d’une loi constitutionnelle de 2007. Cette dernière gèle le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie pour les élections des membres du congrès et des Assemblées. En clair : seules les personnes arrivées avant 1998 sur l’île peuvent aujourd’hui élire leurs représentants. Selon Le Monde, 20 % de la population n’aurait ainsi pas la possibilité de voter.
Un projet de réforme qui met de l’huile sur le feu
Pour pallier ce manque de représentativité, le gouvernement a déposé un projet de loi constitutionnelle en janvier dernier pour dégeler le corps électoral le 1ᵉʳ juillet prochain. Le texte est d’abord passé par le Sénat, où il a été approuvé le 2 avril. C’est à son arrivée à l’Assemblée nationale le 13 mai que des émeutes ont éclaté pour tenter de faire fléchir les députés. Sans succès, puisque ces derniers ont approuvé le texte. Désormais, il doit être entériné par les deux chambres du Parlement réunies en Congrès pour être définitivement adopté.
La situation n’est pas totalement apaisée, mais a retrouvé un peu le calme ces derniers jours. Le Congrès devrait se réunir « avant la fin juin », selon Emmanuel Macron, pour statuer sur la question.