Marine Le Pen est condamnée à quatre ans de prison, dont deux fermes, et surtout à cinq ans d’inéligibilité. La cheffe de file du Rassemblement national ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle en 2027, sauf en cas de victoire en appel.
C’est un séisme politique. Il est près de 12h ce lundi lorsque la sentence tombe : cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, c’est-à-dire avec effet immédiat à l’encontre de Marine Le Pen, pour détournement de fonds publics. Impossible pour la cheffe de file du Rassemblement national de se présenter pour la présidentielle de 2027. « La peine d’inéligibilité est une peine plus politique que les autres. Elle n’était pas du tout obligatoire. Elle condamne Marine Le Pen pratiquement à ne pas pouvoir se présenter au suffrage des Français en 2027 », conteste Benoît Kandel, chef de file du RN à Nice.
La peine d’inéligibilité est une peine plus politique que les autres
Benoît Kandel, chef de file du Rassemblement national à Nice
L’ancienne présidente du parti a aussi été condamnée à quatre ans de prison, dont deux fermes, aménagés sous bracelet électronique, et 100 000 euros d’amende dans l’affaire des assistants parlementaires du Front National. Au total, 23 autres personnes ont été condamnées, ainsi que le FN devenu RN, qui s’est vu infliger 2 millions d’euros d’amende, dont 1 million ferme.
« Une différence de conception entre la France et l’UE », se défend le RN
Tout commence en 2004. Un système d’abord instauré par Jean-Marie Le Pen, puis poursuivi par Marine Le Pen. Dans son jugement, la justice place l’ancienne présidente du RN au cœur de l’affaire. Une volonté d’alléger les charges du parti en détournant l’argent du Parlement européen, ce que conteste le parti, qui estime que c’est une erreur administrative et une différence entre la France et l’UE. « Le problème se pose sur la conception que nous devons avoir d’un attaché parlementaire. La conception française, celle qui est attachée au Parlement français, est différente de celle de l’Union européenne. Ils ont appliqué à Bruxelles des pratiques tout à fait acceptées au niveau parisien », justifie Benoît Kandel, avant de poursuivre son explication. « En France, un attaché parlementaire fait de la politique à côté de son député. Alors qu’à Bruxelles, ils veulent que ce soient des fonctionnaires bruxellois ».
Plus de 40 contrats fictifs signés
Mais les juges n’ont pas retenu cette défense. Pour eux, ce sont des contrats fictifs qui ont été signés. Au total, 40 contrats signés par onze eurodéputés du parti durant 12 ans. S’il n’y a pas d’enrichissement personnel, la justice retient un enrichissement de parti et un confort de vie pour les dirigeants du RN. Ce sont finalement plus de quatre millions d’euros du Parlement européen qui ont été détournés. « C’est l’application de la loi, confirmée par le Conseil constitutionnel. Les faits sont établis, sont graves. La justice fonctionne, alors peut-être qu’on est surpris que la justice fonctionne. Nous en sommes arrivés là. C’est une bonne nouvelle pour la démocratie de se débarrasser des élus indélicats« , applaudit Jean-Christophe Picard, élu d’opposition à la ville de Nice et ancien membre de l’association anti-corruption, Anticor.
C’est une bonne nouvelle pour la démocratie
Jean-Christophe Picard, élu d’opposition à la ville de Nice
Une exécution provisoire justifiée par un risque de récidive
Le risque de récidive est le principal argument des juges pour justifier l’exécution provisoire associée à la peine d’inéligibilité. En cause, la défense de Marine Le Pen et de son parti qui contestent toujours les faits dix ans après. « Je ne vois pas pourquoi ça ne s’appliquerait pas au prétexte qu’il s’agit de Marine Le Pen, qui est, semble-t-il, favorite, ou en tout cas bien placée pour l’élection présidentielle. La notoriété et les intentions de vote ne peuvent pas être une raison pour pouvoir magouiller tranquillement », juge Jean-Christophe Picard.
Marine Le Pen a fait appel de cette décision. La Cour d’appel de Paris a annoncé fixer la date du procès, au début de l’année 2026, pour une décision attendue à l’été, soit neuf mois avant l’élection présidentielle. Une accélération du temps judiciaire assez exceptionnelle et rare dans ce genre d’affaires.